L'intérêt du livre " Ordonnances ", le recueil de relevés et dessins d'Aix-en-Provence par l'atelier de Fernand Pouillon, édité à compte d'auteur, ne s'arrête pas aux seuls Aixois. Loin de là l'idée de Fernand Pouillon. Le cœur bâti si émouvant d'Aix-en-Provence est en réalité le prétexte à sensibiliser, certes les habitants d'Aix-en-Provence, mais aussi les habitants de toutes les villes, à ce qu'ils sont en droit d'attendre des projets qu'on planifie pour eux là où ils vivent. Le cœur bâti d'Aix-en-Provence est aussi le prétexte à une magistrale leçon sur la nécessaire analyse, à laquelle doit se plier tout concepteur d'espaces et de volumes bâtis, des sensations que vont immanquablement produire sur l'homme les plans et les élévations qu'il dessine. Ainsi l'introduction par Fernand Pouillon aux dessins de ses élèves explore-t-elle, en se servant du paysage bâti exemplaire de la ville d'Aix-en-Provence, les sensations, conscientes et inconscientes, ressenties par tout promeneur. Il développera cette analyse dans le roman " Les pierres sauvages ". p. 117. 1964, Ed. du Seuil. Cette introduction est aussi un cours d'architecture à propos du rapport des volumes bâtis aux volumes vides, des sensations qui naîtront du rapport des pleins et des vides sur une façade, du rapport de proportion des ouvertures, de l'apport de la modénature, de l'ornement et de la sculpture aux sentiments que veut exprimer le concepteur dans le dessin de sa façade. Comment la qualité du paysage urbain naît de la volonté de son concepteur et du goût de celui-ci pour produire à l'intention des autres hommes. Tout est émouvant dans ce livre : le plaidoyer de Pierre Dalloz pour une ville sensible et son hommage à Fernand Pouillon, le texte de Fernand Pouillon visiblement en amour de ce paysage urbain qu'il voudrait de la même qualité pour tous et partout, les relevés des jeunes gens, effectués dans des conditions qu'on devine dangereuses parfois, sans même que quiconque se soucie alors d'assurances, avec une patience de bénédictins, patience bien nécessaire aussi à l'établissement de dessins d'une délicatesse impressionnante. Les lithographies d'André Masson et de Léo Marchutz, où seuls figurent éléments essentiels, harmonie de couleur et d'atmosphère, expriment combien les deux artistes se sont attachés à saisir l'essence de leurs sensations intimes au cœur d'Aix-en-Provence. Le livre, tiré à deux-cent-cinquante exemplaires, orné de six lithographies originales, trois par André Masson et trois par Léo Marchutz et de soixante-seize planches reproduites par Daniel Jacomet, dont Fernand Pouillon rachètera l'atelier et les bureaux dans les années 1970, a atteint la cote de 1200 euros dans une vente publique en 2005, ce qui représente un montant élevé pour un livre si récent, même si la provenance de la bibliothèque du libraire-antiquaire Léonce Laget était prestigieuse. D'une manière générale, tout ce que produira Fernand Pouillon en matière d'édition atteint une cote exceptionnelle au regard de la date récente de leur publication. Ainsi bibliophiles et collectionneurs savent-ils reconnaître le talent là où il est. Plus de planches de dessins sont visibles à l'index " Aix-en-Provence " de la page L'Ecrivain. Le livre original est sans défaut. Les imperfections des photos de l'album sont dues à la prise de vue photographique. Merci de nous le pardonner. |